Domestiquer le handicap psychique ? Pratiques et expériences de l'accompagnement dans le logement en santé mentale
Soutenance de thèse de doctorat en sociologie de Marcos Azevedo
1er décembre 2022, 14h15
EHESS, salle A07_37, 54 boulevard Raspail, 75006 Paris
Jury
Abraham Franssen, Professeur ordinaire de sociologie, Université Saint-Louis Bruxelles, Cesir (rapporteur)
Edouard Gardella, Chargé de recherches, CNRS/LIER-FYT (examinateur)
Nicolas Henckes, Chargé de recherches, CNRS/Cermes3 (co-directeur de thèse)
Anne Revillard, Professeure associée en sociologie, Sciences Po Paris, OSC-Liepp (examinatrice)
Delphine Serre, Professeure de sociologie, Université Paris Cité, Cerlis (rapporteure)
Isabelle Ville, Directrice d'études à l'EHESS, Directrice de recherche à l'Inserm, CEMS (directrice de thèse)
Résumé
En France, l’accompagnement en santé mentale est un domaine d’intervention qui recouvre une pléthore de pratiques et d’expériences aussi répandues que floues. Cette thèse documente, caractérise et qualifie ce qu’accompagner veut dire : elle met au jour les logiques d’action de l’accompagnement de personnes handicapées psychiques et donne à voir la manière dont l’accompagnement s’inscrit dans la vie quotidienne de ces dernières, notamment dans leur quotidien à domicile.
La recherche s’appuie sur l’analyse de matériaux divers : un corpus de sources écrites (rapports d’activité, plaquettes de présentation de structures d’accompagnement, dossiers médico-sociaux), des données obtenues à travers dix-huit mois d’observation directe à découvert du travail de trois structures d’accompagnement (un ensemble de logements accompagnés de psychiatrie de secteur, un Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés [SAMSAH] et un Service d’accompagnement à la vie sociale [SAVS]), et des entretiens réalisés tantôt avec des professionnelles et professionnels de l’accompagnement tantôt avec des personnes accompagnées.
Au croisement des sociologies du travail, de la psychiatrie, du handicap et de l’action médico-sociale, l’étude ici présentée retrace et restitue la trajectoire des « programmes d’accompagnement en santé mentale » : une trajectoire qui s’initie avec la sélection et l’admission de personnes jugées en mesure de « devenir (plus) autonomes » ; qui se poursuit avec la production et l’entretien d’une relation fondée à la fois sur le souci des autres et la surveillance de leurs conduites ; qui s’inscrit durablement dans les plus différents domaines de la vie sociale des individus accompagnés et façonne de manière importante leurs modes de vie, y compris leur vie privée ; et, enfin, une trajectoire qui se suspend parce qu’elle n’a pas produit les effets escomptés, ou qui se ramifie dans d’autres prises en charge, ou qui se prolonge indéfiniment.
La thèse montre que le changement de contexte d’intervention (de l’hôpital à la ville et au domicile) ne se traduit pas foncièrement en rupture avec les logiques contraignantes de liberté et que le travail d’accompagnement, fortement axé sur l’optimisation des capacités individuelles des personnes accompagnées, se heurte aux barrières sociales qui limitent voire empêchent l’autonomisation de ces personnes. Quant à ces dernières, si elles participent inexorablement à l’organisation des programmes et à la gestion de leur trajectoire, leur marge de choix des modalités d’accompagnement est conditionnée non seulement par les troubles psychiques mais aussi, voire surtout, par des marqueurs sociaux tels que l’âge, la génération, le genre, l’appartenance raciale et la classe.
Mots-clés : accompagnement, psychiatrie, santé mentale, handicap psychique, logement, vie quotidienne.