La vacuna, une innovation cubaine : immunothérapie du cancer, essais cliniques et soins primaires aux marges de la globalisation
Soutenance de thèse de doctorat en santé et sciences sociales de Nils Graber
26 septembre 2019, 13h
EHESS, salle 2, 105 boulevard Raspail, 75006 Paris
Jury
- Maurice Cassier, directeur de recherche, CNRS
- Arachu Castro, professeure, université de Tulane (rapportrice)
- Pierre-Benoît Joly, directeur de recherche, Inra (rapporteur)
- Jean-Paul Gaudillière, directeur de recherche, EHESS, Inserm
- Ilana Löwy, directrice de recherche émérite, Inserm (directrice de thèse)
- Anne Marie Moulin, directrice de recherche émérite, CNRS
Résumé
Depuis son émergence dans les années 1980, l’industrie des biotechnologies de Cuba développe des médicaments destinés à la fois à être exportés et à alimenter le système de santé national. Parmi les projets d’innovation, l’immunothérapie du cancer détient une place centrale. Ce domaine de la thérapie anticancéreuse est centré sur la mobilisation des mécanismes immunologiques pour tenter de détruire ou d’endiguer la tumeur. Depuis 2010, plusieurs traitements sont rendus accessibles à large échelle dans le pays par la mise en œuvre d’essais cliniques étendus aux centres de santé primaire, les polycliniques, où travaillent notamment des médecins généralistes. Outre la politique d’accès, l’objectif de cette intervention est d’évaluer la transformation du cancer (avancé) en une maladie chronique. Il s’agit d’un dispositif tout à fait inédit. Sur le plan international, si l’immunothérapie du cancer figure aussi parmi les domaines les plus à la pointe de l’oncologie, il s’agit de traitements particulièrement chers, dont l’accès, réservé au niveau hospitalier, se heurte à des problèmes de financement. Associant observations ethnographiques et études des réseaux de collaboration, ce travail explore le processus d’innovation en immunothérapie du cancer à Cuba dans la tentative de conciliation de la politique industrielle et des objectifs de santé publique. En mobilisant le terme local de vacuna employé pour se référer à ce type de traitement, il s’agit d’interroger la spécificité épistémique et les multiples compréhensions de l’immunothérapie du cancer, entre chercheurs industriels, oncologues et professionnels de la santé primaire. La vacuna prend forme au travers de pratiques, ancrées dans les institutions publiques, visant constamment à concilier des dimensions en tension, entre objectifs économiques et de santé publique, biomédecine et soins primaires, entre suivi des normes globales et prise en compte des particularités locales, ce qui est source d’innovations multiples et modulables, susceptibles de circuler dans les pays du Sud et du Nord.