Robicquet Pierre
Doctorant en sociologie, EHESS
Titre de la thèse : Enjeux de rôles et de frontières des psychiatres de secteur. Étude croisée des dynamiques professionnelles et organisationnelles en psychiatrie publique
Sous la direction de Maurice Cassier et Nicolas Henckes
Le fonctionnement de la psychiatrie publique en France repose sur l’articulation de services hospitaliers et de structures ambulatoires, limitées à un nombre d’habitants et circonscrits à une zone géographique nommée « secteur ». Chaque secteur est inscrit localement dans un réseau d’acteurs, issus du sanitaire, du médico-social et du social. Dans ce cadre, les soins sont conçus comme un dispositif censé garantir le suivi dans la durée des patients, et dont le fonctionnement repose sur la coordination entre ces acteurs. Depuis les années 1990, l’évolution de la santé publique sous l’influence de logiques managériales, caractérisées par le contrôle des coûts et des pratiques, la séparation des fonctions de pilotage et d’exécution, ou le recours à des mécanismes de marché, suscite un ensemble d’interrogations quant à l’évolution de la place des professions médicales en psychiatrie.
Cette étude porte sur les façons dont les psychiatres de secteur sont affectés par certaines de ces dynamiques, et participent à la régulation de l’action collective en santé mentale. Elle repose sur le postulat suivant lequel les aménagements et les arbitrages auxquels procèdent les psychiatres ne sont pas réductibles à une opposition perdante et frontale avec l’administration centrale. Bien que le modèle classique de l’autonomie professionnelle puisse être fragilisé, il semble plus fécond d’argumenter l’existence d’une interrelation entre les recompositions des professions et des institutions du service public. Je m’intéresse à ces recompositions pour éclairer d’une part la façon dont des organisations du travail se stabilisent et se coordonnent les unes avec les autres en santé mentale, et d’autre part pour étudier le renouvellement de certains mécanismes de compétitions et de segmentations professionnelles.
Pour mener cette enquête, je préconise l’articulation de trois principaux chantiers. Le premier, par entretiens et à partir d’archives, vise à documenter la conception et la réception de règles relatives à l’encadrement du suivi des patients à partir des années 2000. Le deuxième, par entretien auprès de psychiatres, est concentré sur l’étude des carrières et des pratiques professionnelles. Le troisième et principal chantier, est une ethnographie multi-située en milieu hospitalier, concentrée sur la problématisation des situations d’accompagnements sociaux et médico-sociaux des patients. L’intérêt que je porte à ces opérations peut être justifié d’une part, car l’institutionnalisation de réseaux de partenariat interroge directement la traduction des logiques cités, de gouvernance de la santé publique. Et d’autre part, car la résolution de ces situations relève d’arbitrages techniques et organisationnels potentiellement structurants pour les professionnels, et dont les formes sont peu documentées.
Méthodologiquement, je distingue entre ces principaux axes une approche situationnelle, d’analyse des décisions et des relations professionnelles, d’une approche systémique, d’analyse des rapports entre l’organisation du travail et la structuration d’institutions professionnelles et publiques.