Un siècle de Fisher. Analyse de Variance et études d’héritabilité de la publication de The correlation between relatives… à nos jours
Atelier pluridisciplinaire pour une analyse critique d'un texte fondateur
12-13 septembre 2019
Ecole Normale Supérieure, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris
Le colloque se déroulera finalement au 45 rue d'Ulm
- dans l'Amphi Galois/Rataud le jeudi 12 septembre
- dans la Salle Dussane le vendredi 13 septembre
L'accès dans les locaux du 45 rue d'Ulm se fait après un contrôle d'identité. Seules les personnes inscrites pourront entrer.
La participation à l'atelier est gratuite mais l'inscription est obligatoire.
Inscriptions sur le site web de l'atelier
En 1918, Ronald Fisher publie dans les Transactions of the Royal Society of Edinburgh, un article intituté : XV.—The correlation between relatives on the supposition of Mendelian inheritance (52:499-533). En dépit d’un titre qui peut sembler aujourd’hui énigmatique, le travail qu’il présente va connaître une postérité remarquable. Cent après sa publication, cet article reste très souvent cité… le nombre de citations annuelles continue même d’augmenter [1]. Les innovations qu’il contient continuent de jouer un rôle important dans de nombreux domaines, aux premiers rangs desquels les statistiques et la génétique – évolutive, végétale, animale et humaine.
En effet, deux innovations majeures sont généralement mises au crédit de ce texte :
1. Il fonde l’analyse des causes de variabilité d’un phénomène sur une décomposition de la variance.
2. Il attribue la variation d’un caractère continu (dans le texte de Fisher il s’agit de la taille humaine) aux effets individuellement faibles d’un grand nombre de « facteurs mendéliens » (modèle dit « polygénique »).
La postérité de cet article tient également à la place que l’historiographie de la génétique lui a réservée : l’intervention qui permit la clôture (Provine, 1971) de la controverse scientifique qui opposait, en Grande Bretagne, depuis plus d’une décennie, les « biométriciens » (emmenés par Karl Pearson) aux « mendéliens » (William Bateson in primis) et qui semait le trouble parmi les eugénistes britanniques, en pleine mobilisation pour convaincre les responsables politiques britanniques du bien fondé de leurs inquiétudes.
Cent ans après sa publication, cet article et les innovations qu’il contient occupent également une place centrale dans une série de controverses scientifiques, dont certaines ont des résonnances sociétales importantes : usages de la mesure d’héritabilité, « gènes de l’intelligence », etc. Ces controverses se sont également traduites par de fortes oppositions à l’intérieur de différents champs scientifiques concernant le niveau de simplification acceptable dans un travail de modélisation du vivant et des transmissions intergénérationnelles. En dépit de tout ceci, on ne compte plus le nombre de travaux publiés dans les plus grandes revues scientifiques qui utilisent le modèle polygénique (ou ses évolutions), sans discussion aucune. Les outils de modélisation proposés par Fisher sont utilisés avec une telle fréquence et de manière tellement systématique, qu’ils ont développé une réelle polyvalence. Utilisés de manière routinière, ils sont en quelque sorte devenus invisibles et ont simultanément acquis une forte « robustesse sociale » : on peut les mobiliser dans différents contextes, sans avoir à justifier de leur utilisation. Leur usage va tellement de soi que le travail de modélisation et les hypothèses qui le sous-tendent ne sont plus véritablement perçus. Les critiques sont difficiles et souvent confinées à des espaces scientifiques dont les débats ne sont que rarement médiatisés. L’émergence d’alternatives est compliquée par la position hégémonique du modèle. Ce dernier impose pourtant des contraintes fortes sur les cadres de pensées et les formes de raisonnement des chercheurs, qui ne sont pas sans conséquences sur les évolutions des disciplines concernées et sur les effets sociaux des savoirs produits.
Alors que la production de Big Data et les enjeux conceptuels autour de leur analyse mobilisent de plus en plus de chercheurs dans les sciences de la vie et en biomédecine, cet atelier propose de profiter du centenaire de la publication de cet article pour mener une réflexion pluridisciplinaire associant des chercheurs en sciences sociales (philosophie, histoire et sociologie des sciences) et des chercheurs en génétique issus de différents domaines (évolutive, animale, végétale, humaine).
Notre projet est de revenir au texte en croisant des travaux socio-historiques sur les conditions de sa production, sur sa trajectoire et celles des outils qu’il a proposés et des analyses sur ses usages actuels – y compris son « évitement » lorsque le texte est convoqué sans confrontation précise avec son contenu – et les controverses qu’il peut susciter. L’ambition de ce travail est ainsi de dégager un espace de discussion critique et innovant, informé des développements les plus récents dans les différents domaines mis à contributions : génétique évolutive, génétique humaine, histoire et sociologie des sciences.
[1] Google scholars recense ainsi 4524 citations depuis 1978 – le nombre de citations annuelles a quasiment quadruplé entre 1991 et 2018.
En savoir plus sur le site web de l'atelier