Gouverner le social par les normes transnationales ? Audit, gestion des risques et conditions de travail en entreprise
Soutenance de thèse de doctorat en sociologie de Camille Gasnier
21 mars 2018, à 14h
Salle BS1_28, EHESS, 54 boulevard Raspail, Paris
Devant un jury composé de :
- Soraya Boudia, professeure des universités, Université Paris Descartes, Cermes3
- Jean Paul Gaudillière, directeur de recherche Inserm EHESS (directeur de thèse), Cermes3
- Emmanuel Henry, professeur des universités, Université Paris Dauphine, Irisso
- Pascal Marichalar, chargé de recherche CNRS, Iris
- Arnaud Mias, professeur des universités, Université Paris Dauphine, Irisso (rapporteur)
- Delphine Serre, professeure des universités, Université Paris Descartes, Cerlis (rapporteure)
Résumé
Ce travail explore l’hypothèse de l’émergence d’un régime de gouvernement des conditions de travail par les normes transnationales, les normes ISO. Celles-ci sont des outils de gestion, qui proposent des principes visant l’optimisation du fonctionnement des organisations, en même temps que des instruments de régulation des marchés, la certification sur les normes ISO pouvant être exigée des organisations souhaitant accéder à des marchés spécifiques. La normalisation s’est longtemps cantonnée aux domaines techniques, et après plusieurs décennies d’opposition d’organisations gouvernementales et de l’Organisation Internationale du Travail, la normalisation investit aujourd'hui le champ social.
Cette thèse explore les enjeux de l’élaboration de normes relatives aux conditions de travail. Elle est fondée sur une enquête ethnographique, menée par observations et entretiens, auprès des entreprises utilisatrices de référentiels de gestion sur les conditions de travail, auprès d’auditeurs certifiant les entreprises sur ce sujet, et auprès d’organismes nationaux et internationaux de normalisation. L’étude de ce « dispositif de gestion » souligne une profonde transformation des pratiques de prévention des risques professionnels au sein des entreprises. Les normes internationales intègrent en effet ces problématiques dans des matrices de management fortement inspirées des méthodes de gestion par la qualité, et de nouveaux professionnels dédiés à la mise en œuvre et au contrôle de ces normes au sein des organisations apparaissent : les animateurs et auditeurs Qualité Sécurité Environnement. L’élaboration des normes internationales donne alors à voir l’ambivalence des acteurs du système réglementaire et administratif en matière de santé au travail quant à la normalisation dans ce domaine. S’ils défendent le « dialogue social » et dénoncent un « empiètement » sur les prérogatives des « partenaires sociaux », ils voient en même temps dans ce dispositif de gestion une opportunité de renforcer la surveillance des organisations en matière de conditions de travail tout en renforçant leur compétitivité sur les marchés internationaux.