La routine vaccinale. Enquête sur un programme français de rationalisation par les nombres, 1949-1999
Soutenance de thèse de doctorat en sociologie de Gaëtan Thomas
31 mai 2018, à 15 heures
Amphithéâtre François Furet, EHESS, 105 boulevard Raspail, Paris
Résumé
Cette thèse examine l’apport du travail statistique à la normalisation de la vaccination en France, des années 1950 au milieu des années 1990, une période au cours de laquelle la vaccination a fait l’objet de peu de controverses. Au moyen d’opérations statistiques de rationalisation, de régulation et de justification, l’épidémiologie (entendue comme un ensemble de pratiques plutôt qu’une discipline universitaire autonome) a largement contribué à maintenir cet état de fait – un processus que je qualifie de routinisation. L’enquête est construite sur des archives issues de diverses institutions, nationales et internationales, ainsi que sur une série d’entretiens avec les principaux acteurs du domaine. Elle éclaire le rôle d’un groupe d’épidémiologistes associés au Centre international de l’enfance (1949-1999), qui mit en œuvre un programme de rationalisation et de simplification de la vaccination. Dans cette période coloniale et postcoloniale, l’Afrique subsaharienne était un de leurs terrains de prédilection : ils y réalisèrent de nombreux essais, simultanément à leurs activités métropolitaines. L’implication de l’OMS dans le domaine de la vaccination a conforté la dimension internationale de cette routinisation : les épidémiologistes français se sont appropriés des opérations statistiques popularisées par Genève. À la fin de la période considérée, la controverse de la vaccination contre l’hépatite B a perturbé cette routinisation et mis en évidence un écart croissant entre les logiques de l’épidémiologie et l’expérience des individus vaccinés. Cette recherche éclaire d’une lumière nouvelle la façon dont l’intervention de santé publique la plus courante a été normalisée et gouvernée par des nombres.
Rapporteurs : Anne Rasmussen (Université de Strasbourg) et Didier Torny (CNRS)
Membres du jury : Anne Marie Moulin (CNRS) et Gerald Oppenheimer (CUNY-Columbia University)
Directeurs : Luc Berlivet (CNRS) et Patrice Bourdelais (EHESS)