Entre "comment" et "si" : incertitudes et engagements professionnels entourant les chirurgies génitales précoces chez les clinicien.ne.s du développement sexuel atypique
Soutenance de thèse de doctorat en santé et sciences sociales de Raphael Thibeau Albospeyre
19 décembre 2019, à 14h
Salle des thèses, Université de Paris, 45 sur des Saints-Pères, 75006 Paris
Jury
Ilana Löwy (Directrice de thèse), Inserm
Armelle Andro, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Simone Bateman, CNRS
Christine Dourlens, Université Jean Monnet de Saint-Etienne
Delphine Gardey, Université de Genève
Cynthia Kraus, Université de Lausanne
Christelle Rabier, EHESS
Résumé
Cette thèse analyse d’un point de vue sociologique les reconfigurations à l’œuvre dans les prises en charge cliniques du développement sexuel atypique, ou intersexuation. Elle s’intéresse notamment aux différentes manières dont la controverse entourant les pratiques des chirurgies de normalisation des organes génitaux en pédiatrie est appréhendée par les clinicien·ne·s spécialisé·e·s. En partant du constat de contrastes extrêmement forts entre, d’une part, les prises de position d’associations de personnes intersexuées et d’institutions nationales ou internationales de défense des droits humains, et d’autre part les discours cliniques dominants, la thèse interroge les conditions du maintien ou de la remise en cause de pratiques cliniques en un moment et un lieu donné. La recherche s’appuie sur une enquête qualitative et l’analyse croisée des discours et pratiques d’équipes hospitalières en France, aux Etats-Unis et en Suisse, et de publications médicales. Elle montre notamment que si l’on tend vers une certaine homogénéisation des discours médicaux concernant le « comment » des pratiques cliniques (quels protocoles de prise en charge, quelle offre de soins et de techniques, quelle organisation des équipes médicales), la question du « si » les clinicien·ne·s et les parents doivent faire usage des techniques disponibles pour modifier le corps des enfants, fait l’objet de fortes tensions internes à la communauté médicale, souvent rendues invisibles par la recherche de consensus. Il s’agit de montrer les engagements professionnels, y compris sur le plan moral, qui lient les clinicien·ne·s à certaines modalités de pratiques, ainsi que les dilemmes et incertitudes spécifiques auxquels ces pratiques les confrontent. La thèse montre ainsi que des discours de défense et de critique des pratiques coexistent le plus souvent chez les clinicien·ne·s. En appréhendant les approches professionnelles des chirurgies génitales précoces sous l’angle de leur diversité et des tensions qui les caractérisent, cette recherche met en relief des conceptions de ce qui fait le « bon » soin et de qui est le/la patient·e comme faisant l’objet d’interprétations variables, dont certaines mettent fondamentalement en question le mandat dont la médecine est jusqu’à présent investie de manière exclusive.