"La liberté en toute sécurité". Les promesses des dispositifs techniques de géolocalisation des résident.e.s en EHPAD face aux tensions morales du care
Soutenance de thèse de doctorat en sociologie de Pearl Morey
8 décembre 2020, 14h
Visioconférence
Jury
Marc Bessin, directeur de recherche, CNRS (directeur)
Benoît Eyraud, maître de conférence, Université Lumière Lyon 2 (examinateur)
Gérald Gaglio, professeur de sociologie, Université Nice Sophia Antipolis (rapporteur)
Antoine Hennion, directeur de recherche, CNRS (rapporteur)
Catherine Le Galès, directrice de recherche, Inserm (directrice)
Isabelle Mallon, professeure de sociologie, Université Lumière Lyon 2 (présidente du jury)
Résumé
L’objectif de cette thèse est d’adopter un regard sociologique sur les dispositifs techniques de géolocalisation destinés aux résident.e.s des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD). Cette entrée par les dispositifs me permet de travailler les tensions morales du care ; et en particulier, la tension entre la liberté de circuler et la sécurité des résident.e.s à garantir par les professionnel.le.s des institutions. Cette tension – faisant l’objet d’une construction discursive sur le registre du « dilemme » par les professionnel.le.s – peut être résumée de la façon suivante : plus de liberté de circuler entraînerait nécessairement un défaut de sécurité dans l’accompagnement des personnes hébergées ; à l’inverse, une ligne de conduite fortement sécuritaire aurait pour conséquence inéluctable l’atteinte au droit fondamental d’aller et venir librement. Les dispositifs techniques de géolocalisation – entrés sur le marché français au début des années 2000 – sont porteurs de plusieurs promesses dont une vise spécifiquement la conciliation de ces deux valeurs. En témoigne un slogan publicitaire particulièrement parlant : « La liberté en toute sécurité ».
Il s’agit de comprendre si et si oui, comment les professionnel.le.s du care s’approprient l’idée d’un recours à ces dispositifs dans les institutions sanitaires et médico-sociales et jusqu’où ces derniers peuvent, en pratique, tenir ou non, leurs promesses de conciliation de la tension entre la liberté de circuler des personnes âgées accueillies et leur sécurité à garantir par les professionnel.le.s des EHPAD. Pour répondre à cette question, cette recherche – à partir de matériaux qualitatifs – porte son attention sur trois mondes sociaux parties prenantes des dispositifs techniques de géolocalisation : 1/ la conception et la distribution des dispositifs, 2/ les régulations et 3/ les usages en EHPAD.
Empruntant à la sociologie du care, à la sociologie des institutions, à la sociologie de la vieillesse et du vieillissement et au domaine des Science and Technology Studies (STS), la thèse montre que la tension morale entre la valeur de liberté de circuler et celle de sécurité se pense et se travaille aujourd’hui dans les trois mondes sociaux analysés pour être conciliée. En revanche, cette conciliation des modalités de la tension ne se fait pas souvent avec les dispositifs techniques de géolocalisation mais plus souvent sans, à l’aide d’autres outils. Enfin, le registre de la conciliation n’est pas toujours tenable et est parfois remplacé – notamment en cas d’accident ou de crise – par le registre de la responsabilité.
Mots-clés : dispositif technique de géolocalisation, care, tension morale, dilemme, liberté d’aller et venir, sécurité, EHPAD, promesses, régulations, usages, conciliation, responsabilité